Entre satire (auto-)parodique et réflexion méta sur l’industrie hollywoodienne, Last Action Hero est l’exemple type du flop devenu top. Du blockbuster raté à la rediff culte, le Schwarzy-movie le plus classe de tous les temps s’offre un ticket magique pour la séance du Grenier.
« Monumentale erreur »
Juin 1993.
Tandis que vous vous déhanchez sur Alison de Jordy tout en machouillant un Roll’Up et en matant du coin de l’oeil un épisode de Dr Quinn, Femme Médecin, une révolution cinématographique est en train d’avoir lieu. À force de s’inventer des petits copains imaginaires et de bidouiller sur son Amiga, Steven Spielberg a fini par créer un monstre : croisé à l’ADN numérique, Jurassic Park profite de la Fête du Cinéma pour lâcher ses créatures virtuelles dans nos salles, s’imposant d’une large tête de T-Rex dans la course aux effets spéciaux.
Manque de bol, c’est à ce moment-là que déboule Last Action Hero.
Tombé sur un os de Raptor dès sa sortie, le blockbuster annoncé de John McTiernan (a.k.a. Mr. Die Hard) se fait rafler la vedette par une meute d’animatronics détraqués et finit en bide commercial. Pourtant, considérer ce film à l’humour potache et aux gags à gonflette comme une gentille comédie musclée kid friendly serait une « monumentale erreur ».
Petit récap.
« Tu crois vraiment que t’es dans un film ? Très bien je te donne dix minutes pour le prouver. Après je te descends. »
Le pitch :
Haut comme trois pommes, Danny Madigan est un joyeux garçon, il n’aime pas l’école mais préfère voir des films d’actions[1]. Copain comme cochon avec le projectionniste en-attente-de-licenciement-économique de son cinéma de quartier, il a le privilège de visionner en avant-première le tout dernier opus de sa saga préférée : Jack Slater, héros éponyme d’une série de cop-movies héroïques et bodybuildés (toute ressemblance avec une saga existante ou ayant existé étant purement fortuite).
À projection exceptionnelle, billet exceptionnel. Danny se voit donc remettre un ticket magique jadis possédé par le grand magicien Houdini (on n’a jamais dit que le film était parfait…), qui, outre de ne pas coûter le prix d’un abonnement mensuel à Netflix Premium[2], semble posséder de mystérieuses propriétés…
Et abracadabra, ou plutôt « abracadaboum », au détour d’un twist explosif, Danny se retrouve brusquement projeté de l’autre côté de l’écran, dans l’univers made in Hollywood de son héros préféré : un Los Angeles plus fake que nature, sorte de réalité alternative où Schouarzy ne serait jamais devenu acteur, n’aurait jamais incarné le Terminator et serait un fan inconditionnel de Sylvester Stallone. Coincé dans cet univers en carton, Danny n’a d’autre choix que de spoiler le script à un Arnold Schwarzenegger en mode flic-cabochard, qui refuse mordicus de croire qu’il n’est qu’un avatar de lui-même.
« Je reviendrai ! Ah ! Tu t’attendais pas à ce que je dise ça hein ? »
Dopé aux clichés volontaires et aux mauvais calembours, Last Action Hero se moque joyeusement de tout ce qui fait l’action movie à l’américaine : duos improbables, héros invincibles (et insalissables), munitions infinies, cascades surréalistes, retournements téléphonés (dont l’indicatif commence toujours par 555), figurantes plantureuses (dont le 06 commence aussi par 555) et répliques bien senties distribuées entre 2 mandales. Zoomés X8, les tics du genre deviennent le sujet d’une auto-satire dans laquelle McTiernan autant que Schwarzy dynamitent l’industrie dont ils sont les plus ardents représentants.
Et ça fait du bien, bordel !
D’autant que Last Action Hero ne se contente pas d’être une parodie. C’est aussi une déclaration d’amour au cinéma (et pas seulement au cinéma d’action) qui multiplie les références et auto-références (le fameux « Je reviendrai » de Schwarzy, le black boss hurleur tout droit sorti de l’Arme Fatale, le majordome rapatrié de Goldfinger…), les détournements (Terminator, Qui veut la peau de Roger Rabbit, E.T. l’extra-terrestre…), et se paie en prime quelques jolis caméo (Sharon Stone en mode Basic Instinct, Jean-Claude Van Damme en fan de la saga, Sylvester Stallone en usurpateur et Schwarzenegger soi-même en pleine promotion de son nouveau film…).
Encore mieux : au-delà de la mise en abîme jouissive et de l’hommage espiègle, LAH réussi le pari de sublimer le genre qu’il pastiche en devenant LE film d’action absolu : celui qui mêle courses poursuites endiablées, gunfights nucléaires, vilains littéralement vilains, bande son détonante et punchlines-qui-tuent, tout en étant parfaitement conscient de sa propre énormité.
« T’aimes bien les omelettes ? »
Mais plus encore que tout cela, Last Action Hero, c’est un film d’action intelligent (oui, on exagère et on assume). C’est la définition même du film pop corn mais pas con.
En utilisant l’autodérision pour faire imploser un genre arrivé à bout de souffle, il devient exactement ce que son titre annonce : le dernier d’une certaine génération de films d’action (celle où les scénars sont plus épais qu’un cheveu de Vin Diesel, où les personnages sont moins en mousse que les seins de Megan Fox), après laquelle l’industrie ne produira plus que repompes et extensions numériques, toujours « plus rapides, plus furieux », symboles d’une époque sans originalité où le divertissement bourrin est devenu bien trop premier degré.
Bide magnifique, Last Action Hero a fini par grandir avec son public. Un peu comme les Goonies ou les premiers Die Hard, il appartient désormais à cette liste précieuse des « films d’une génération », devenus cultes parce qu’ils nous renvoie à la nostalgie des choses disparues.
Vous reprendrez bien un peu d’Hamlet ?
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LAST ACTION HERO – John McTiernan (1993)
NOTES :
[1] Blind test niveau #TuEsUnAncienSi : on cherche un générique de dessin animé des années 80.
[2] Ou de 5 DVD d’occasion, ou de la collection complète des Steven Seagal.
Publié pour la première fois sur la-chips.com, 2013. Dernière édition 2017.