Ce tranquille insulaire, cet être réservé et courtois, ce mélancolique buveur d’ale, ce prude collectionneur de théières, cet esprit caustique amateur de bons mots, ce poète du kitsch, ce fier traditionaliste, ce flegmatique excentrique.

L’Anglais, ce perfide.

Comme si cela ne lui suffisait pas de rouler à gauche (dans le but inavoué, mais évident, de renverser au passage quelques touristes français égarés) ou d’appeler un Euro un « Pound », voilà qu’il n’hésite pas à piétiner les conventions, le socialement accepté, le consensus universel en appelant les chips… des « crisps ».

Pourquoi tant de haine ?

Pourtant, une chip et une chip dans le reste du monde ; sauf peut-être au Québec, où on l’appelle « la croustille » (mais peut-on faire confiance à un peuple qui « turlutte quand il mouille » au lieu de chanter sous la pluie ?) ; sauf peut-être en Australie (mais les Australiens ne sont-ils pas autre chose que des Anglais à l’envers ayant troqué le croquet contre la quête du croco ?) ; sauf peut-être en France, où on considère la « chips » comme un pluriel invariable (mais c’est seulement parce qu’on nous a dit que c’était impossible, et qu’impossible n’est pas français). Mais partout ailleurs, une chip est une chip.

Et pourtant, en Grande-Bretagne, la chip est une frite.

Car, oui, non contents d’appeler leurs chips des crips, les britannique nomment leurs frites des chips. Et leurs jetons de jeux… des chips. Vous me suivez ? Moi non plus. Un exemple :

Si un ami vous invite à jouer au poker et vous demande d’amener les chips, inutile de courir chez le Fish&Chips du coin (qui ne vous vendra que des frites), mais passez plutôt échanger quelques pounds contre des jetons au tripot local, et surtout n’oubliez pas la bière et les crisps pour la maîtresse de maison.
Si malgré tout vous avez ramené des Tyrrells au vinaigre et cheddar, KEEP CALM et rappelez à vos hôtes que la chip fût créée en 1853 par un Américain du nom de George Crum, afin de contenter un client difficile qui trouvait ses frites (ses « French fries », donc) trop épaisses. Ça vous fera sans doute passer pour un prétentieux je-sais-tout, mais de toute façon vous êtes Français, et il vous considèrent déjà comme un arrogant petit coq (à ne pas confondre avec « cock »[1]).

Et encore merci pour les chips.


NOTES :

[1] L’équivalent de la « graine » en québécois.


Publié pour la première fois sur la-chips.com, 2013. Dernière édition 2017.

À propos de l’auteur

Née en [error 404], Capritia a grandi sans Internet. De cette enfance vide et malheureuse est né son goût pour l’écriture, penchant tout d’abord exprimé en lettres d’écolier sur les pages d’un bloc-notes Rhodia, avant que le Comic sans MS et le vérificateur orthographique ne viennent révolutionner son processus créatif.Lire la suite...

2 réponse à Merci pour les chips…

  1. maracudja dit:

    encore un super article qui nous apprend pleins de choses sur les english mais pas que!

    • La Chips dit:

      Cet article est tiré de faits réels. Pour respecter leur vie privée ainsi que leur sécurité en territoire hostile, les principaux protagonistes n’ont pas été nommément cités. Signé : A. Nonyme.

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